Tous les philosophes et poètes se sont posés des questions sur la stupidité humaine. Sophocle quand il dit « Moins on a de sagesse, plus on est heureux », Pindare dans ses comédies, Nicolas de Cuse dans De docta ignorantia, Erasme dans L'Eloge de la Folie, Montaigne dans ses Essais, Cervantes dans Don Guichote, Dostoïevski dans L' Idiot, Foucault dans Histoire de la Folie, Marx dans l'Opium du Peuple, Flaubert dans Candide, Hölderlin dans Bloedigkeit, Rilke dans le Lied der Idioten, Musil dans Les Ruminations, Michaux dans Le Bonheur bête, Valéry dans Monsieur Teste, Conrad dans Les Idiots, Barthes dans La Chose, Schlegel dans Unverstaendnis, Brecht dans Unendlichkeit der Dummheit, Casirer dans Urdummheit, Schopenhauer dans Dummheit und Vulgaritaet, Nietzsche dans Zarathustra, Wilde dans Le Péché de la Stupidité, Adorno dans Planetarische Dummheit, Horkheimer dans Dummheit ist ein Wundmal, Musil dans Vom Wesen der Dummheit, Benjamin dans Denkfaulheit, Paul Tabori dans The Natural Science of Stupidity.
Ce sont surtout les Allemands qui semblent se poser des questions à son sujet et Schiller dit que les dieux luttent en vain contre elle, Einstein dit qu'il y a deux infinis, l'univers et la sottise, Marx qu'elle est le droit acquis d'une opinion majoritaire, qu'elle conduit à la dictature et Heidegger confesse lui-même ses égarements nazis.
Flaubert dit qu'elle est de granit, dure et résistante, et que si on s'y frotte on se fait mal.Elle devient monumentale ou fasciste quand elle contamine les politiciens rouges, gris, verts ou verts de gris. Et quand le ministre d'un petit pays européen déclare que la vérité sur la climat a été définitivement établie, que la discussion est close et que dans 50 ans il fera plus chaud de 10 degrés, on attrape froid au dos.
Elle est schizophrène. Quand quelqu'un se rend compte que l'on s'est laissé embrigader dans un système ou une arnaque, on a honte et on a tendance à se mentir à soi-même, comme Sartre pour le stalinisme, Heidegger pour le fascisme ou Al Gore pour l'écologisme.
La sottise est un tabou: on dit aux enfants qu'ils ne peuvent pas en accuser une personne.Le sot vit dans le passé, à l'age d'or du bon sauvage. Il se passionne pour les générations futures, mais ferme les yeux sur les millions d'enfants qui meurent de diarrhée ou de malaria aujourd'hui.
Que des scientifiques se soient trompés lui parait inconcevable. La sottise a peur des idées nouvelles et de la recherche scientifique. Puisque la vérité est unique. Mais le plus grand sot est celui qui se croit immunisé et plus intelligent que les autres.
Pierre Lutgen