Les organophosphorés sont des substances chimiques que l'on peut rencontrer à l'état solide, liquide ou gazeux. Leur pouvoir neurotoxique avait été découvert dans les laboratoires d'IG Farben avant la seconde guerre mondiale. Au cours des années cette société a mis au point une série de gaz toxiques : le Tabun (1936), le Sarin (1938) et le Soman (1944). En 1995 les terroristes du métro de Tokyo avaient utilisé le Sarin. Les Agents Orange et Bleu qui avaient été utilisés au Vietnam pour défolier le couvert de la jungle étaient également des composés organophosphoriques.
Ces substances agissent toutes sur l'enzyme cholinesterase au niveau des synapses nerveuses et interrompent la transmission neuromusculaire. L'intoxication se dénote assez rapidement par des troubles respiratoires, suivis de troubles gastriques, d'oedèmes, de fibrillation cardiaque, de convulsions, de diarrhées.
Ces propriétés ont également conduit au développement de pesticides qui tuent les insectes par destruction du système nerveux. Rien qu'aux Etats-Unis existent 37 insecticides sur base d'organophosphorés. Elles sont connues sous des noms divers : round-up, diazinon, phosmet, disulfoton, chlorpyrifos, fonofos. Chaque année 7 000 tonnes de ces produits sont vendues rien qu'aux Etats-Unis. L'Allemagne en utilise 500 tonnes en agriculture.
En 2003, on a dénoté aux Etats-Unis 20 000 cas d'intoxication aux organophosphorés, dont 6010 cas graves et 16 décès. Dans les cas d'intoxication grave on note toujours des séquelles neurologiques qui ne disparaissent qu'après dix ans.
Les symptômes que l'on trouve chez des patients qui ont été exposés à de petites doses de pesticides organophosphorés sont d'ordre neurotoxique et affectent la psychomotricité, les capacités cognitives, le sommeil (cauchemars, insomnie), causent des mouvements épileptiques et conduisent à la dépression. Ces troubles ressemblent souvent à ceux dénotés dans le syndrome de la guerre du Golfe chez les vétérans américains. On avait fait porter au GIs des colliers antipuces saturés en organophosphorés. Ces insecticides s'accumulent dans les tissus adipeux du corps à partir desquels ils exercent leur toxicité de manière continue. Les lésions nerveuses ne sont révélées que deux semaines après exposition à l'agent neurotoxique. Une étude portant sur 18 782 fermiers ayant manipulé ces pesticides durant les années 1993-1997 montre que ceux-ci ont 2 fois plus de troubles neurologiques que la population normale.
Ceux qui sont éventuellement les plus affectés par les pesticides organophosphorés sont les jeunes enfants. 34% des cas d'intoxication aux Etats-Unis concernent des enfants L'impact d'une surexposition des animaux de ferme à ces substances est connu. Il est évident que de jeunes enfants vivant dans un milieu agricole peuvent également absorber des doses de ces substances qui sont supérieures à celles des enfants des villes. Ce qui commence à créer de fortes inquiétudes c'est l'augmentation incroyable de 23% des naissances prématurées depuis les années 80. Plus inquiétant encore est l'augmentation d'anomalies congénitales. Une étude portant sur 34 772 fermiers de l'Etat de Minnesota entre 1989 et 1992 donne une augmentation de 27% d'anomalies de toutes sortes chez les nouveaux-nés ( musculaires, urogénitales, respiratoires) si le père avait manipulé du glyphosate (round-up) ou des organophosphorés. Une autre étude au Canada donne dans le même contexte une augmentation des fausses couches par un facteur 2,1.
Le Centre de Recherche de Salinas en Californie a démarré un programme de recherche sur cette thématique. Les premiers travaux ont pu confirmer que ce sont surtout les nouveaux nés qui sont susceptibles aux effets neurotoxiques. L'Institut Canadien de la Santé Infantile presse le gouvernement fédéral à mettre au point immédiatement un programme de recherche sur les pesticides qui soit spécifique au domaine de la santé infantile.
. Devant ces résultats l'Environmental Protection Agency (US-EPA) se voit obligée de revoir dans un programme d'urgence dont les résultats sont prévus pour août 2006, les valeurs limites pour la concentration des organophosphates dans les aliments. La diazinone avait déjà interdite de vente aux Etats-Unis. Mais ces produits sont encore allègrement exportés vers les pays en voie de développement. 30% des pesticides ainsi exportés sont interdis aux Etats-Unis.
La vache folle et Phosmet
Au cours des dernières années on s'est rendu compte également d'une relation probable entre les pesticides aux organophosphorés et la maladie de Parkinson. Les premiers cas de ce type de cause à effet furent rapportés par MH Bhatt chez 5 jeunes femmes indiennes en 1998.
Des relations de cause à effet semblent également exister dans le cas de la maladie d'Alzheimer. Selon une hypothèse à l'étude en Grande-Bretagne les prions chez les ruminants seraient endommagés non pas par les aliments à base de poudres animales mais à base d'un insecticide organophosphoré riche en magnésium, utilisé pour éradiquer le varron chez les vaches. C'est précisément le cas des régions où l'apparition de la BSE est massive. Dans l'une de ces régions, à Ashford dans le Kent, se trouve l'usine de fabrication de l'insecticide. Les premiers cas de BSE en France sont apparus en Bretagne et coincident avec l'application du même insecticide Phosmet. Pourquoi en effet en 2003 comptait-on 180.501 vaches folles en Grande-Bretagne et seulement 218 en France et 31 en Allemagne .
Les sociétés chimiques et pharmaceutiques (ICI, Bayer, Monsanto, Novartis, Pfizer, Roche et Schering) font évidemment tout pour discréditer cette hypothèse. Si le Phosmet était reconnu comme étant la cause le gouvernement britannique et les fabricants seraient poursuivis et exposés à des frais d'indemnisation faramineux. Ils préfèrent donc noyer cette hypothèse dans un nuage de prions. Les vaches massacrées par centaines de milliers auront sans doute été les boucs émissaires innocents et inutiles de cette bulle médiatique dont plus personne ne parle en 2006. Les flammes et les fumées des bûchers d'incinération se sont estompées.
Les organophosphorés ont remplacé le DDT.
Dans les années 70 une série d'allégations qui s'avèrent aujourd'hui être des canulars avaient conduit à l'interdiction du DDT. Ce fut la première victoire de Greenpeace. Au début des années 70, le livre Silent Spring de Rachel Carson avait fait craindre à tout le monde que les oiseaux allaient disparaître de notre ciel. Rachel Carson avait également prédit une épidémie de cancer qui toucherait 100% de la population. Aujourd'hui on sait que ces 2 prophéties ne se sont pas matérialisées et que les données expérimentales avancées avaient été fantaisistes, faussées ou exagérées.
Le DDT a été interdit parce ce qu'il s'accumulerait dans la chaîne alimentaire et dans les tissus adipeux. Avant le débarquement de Normandie les uniformes des soldats américains avaient été imprégnés de DDT pour que ceux-ci ne succombent pas aux poux et puces de France. La combativité des GI n'en a pas souffert. Récemment des volontaires américains ont absorbé pendant une année 35 milligrammes de DDT par jour (soit 1000 fois plus que la dose de la population normale). Aucune toxicité et aucune maladie chronique n'a été observée non plus chez les ouvriers des usines fabriquant le DDT. Rien qu'en 1958 40 000 tonnes de DDT ont été épandues aux Etats-Unis Des candidats au suicide qui ont voulu utiliser le DDT comme poison mortel ne sont pas arrivés à leurs fins.
On ne connaît aucun cas de décès humain relié directement au DDT. Aucune des milliers d'études épidémiologiques qui ont été faites n'a pu montrer la moindre influence sur la santé humaine.
Mais l'interdiction du DDT coûte chaque année la vie à 3 millions d'êtres humains et le prix des insecticides qui le remplacent est de 3 à 20 fois plus élevé.
Pierre Lutgen
Docteur en sciences